La mixtape Black Dollar a servi de répétition générale pour la préparation de la huitième cargaison en provenance Miami de William Roberts II alias Rick Ross et distribuée par Maybach Music/Slip-N-Slide/Def Jam, Black Market. Pour le « fier et gros » Boss tel qu’il se proclame, cet opus serait « l’apogée » de sa carrière ». C’est ce que nous allons vérifier.
C’est avec le très raffiné « Free Enterprise » que s’ouvre Black Market,avec cette classe des limousines de luxe qui conduisent Rozay, une habitude chez lui qui s’est affinée depuis Trilla. Six mains (celles de DJ Khaled, le français Tarik Azzouz et Streetrunner) ont été nécessaires pour la confection de cette production assortie d’un splendide piano et John Legend est l’homme qu’il faut pour apporter la cinquième étoile. Le morceau de qualité supérieure « Smile, Mama Smile » qui suit est réalisé par Jake One. On retrouve la sensiblerie de Rozay sur cette track qui se trouve être une suite de « Tears of Joy« , surtout que Cee-Lo est venu pour chanter le refrain.
Le tapis rouge de vedettes continue avec la diva Mariah Carey sur une mélodie rosée de « Can’t Say No » signée JR Rotem (le « Dr Dre blanc » comme on le surnommait dans les années 2000), Chris Brown trop présent et aidé par de la melodyne sur « Sorry » (produit par l’autre Dre blanc Scott Storch) et surtout la reine Mary J Blige sur « Very Best » dont l’intitulé témoigne de l’acabit de ce titre rap-soul au sample cuivré. Ces collaborations cross-over ne seront pas toutes du goût de tout le monde, voire sans réel intérêt, mais il y aura consensus autour de MJB. Possible consensus autour de -ô surprise- ces scratches de DJ Premier qui conviennent parfaitement à l’ambiance mafieuse soulful de « Black Opium« , l’apport de Primo est réellement significatif.
Black Market est plus ‘classic Rozay’ et moins autocaricatural queHood Billionaire, plus dinstingué et moins trap, mais c’est sur le plan personnel que Ricky Ross a finement évolué, en étant plus lyrical, avec des intonations moins exclamatives et une voix plus basse ce qui lui renforce son caractère impavide et une attitude sereine, celle d’un homme qui accompli ses rêves. Outre ses aptitudes de roi de la fiction, Ross étend sur « Ghostwriter » la mesure de l’homme d’influence qu’il est devenu depuis dix ans. C’est une chanson particulière dans la grosse discographie du rappeur puisqu’il évoque ouvertement cette compétence de manière officielle (on sait tous qu’il a écrit pour de nombreux rappeurs dont Diddy) et les réseaux qu’il a tissé dans l’ombre du rap game, et le prix de la solitude à payer.
« God gave me a gift therefore I shared it with them
Ghostwriter publisher such a beautiful friend
We give them the slang we lease them the swag
Tell them where they can hang tell them what they should claim »
« Color Money« , bien que le beat de D.Rich soit un brin bancal, envoie une succulente subli envers Drake. Une position ‘politique’ puisque Rozay défendra naturellement son artiste Meek Mill peu importe combien de fois lui et Dreezy se sont croisés par le passé.
« Color money got your bitch out on a world tour
My lil homie made a million on his girl tour
We back to back and down to whack a nigga unborn
Miami niggas got them changing all the gun laws »
Sans surprise, Rick Ross multiplie les clins d’oeil par-ci par-là, particulièrement à 2Pac (« Smile Mama, Smile« ) et à Notorious BIG sur « Crocodile Pythons » (qui reprend l’instrumental de « The Moment That Matters » sur le dernier Skyzoo). Le rappeur apprécie parler cul sans retenue comme sur « Dope Dick » (il doit apprécier de revoir son membre après avoir perdu du vendre) ou l’ambient « Peace Sign » sur une prod étonnante de DJ Mustard (le ‘peace sign’ étant une métaphore pour ‘jambes en l’air’). À trop se prendre au sérieux sur le plan textuel, on pouffe parfois de rire, les premières rimes de « Sorry » ont de quoi. Imaginez la scène quand il dit « We at the crib, she got her legs wrapped around my waist/Conversation, she lick every tattoo that’s on my face », la madame doit avoir de sacrées longues jambes arquées.
Dommage que le sans intérêt « D.O.P.E. » avec Future gâche un peu la fin d’un opus qui était à deux bras d’atteindre le lustre et l’allure de ses standards Deeper Than Rap et Teflon Don. Alors « apogée », je ne sais pas… Personnellement il l’a atteinte avec le pas si glorieux God Forgives I Don’t.
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