Il aura fallu un ultimatum à son label Top Dawg Entertainment pour que Herbert Stevens alias Ab-Soul puisse sortir These Days…, qui à l’origine était prévu de s’intituler Black Lips Pastor. Ce troisième projet du hippy noir semble être né dans la douleur, et c’est peut-être dans des conditions difficiles qu’il a été conçu.
"God’s Reign", qui invite la jeune chanteuse maison SZA (auteure d’un récent EP Z), est le premier morceau de l’album, celui qui donne le ton. Spirituel, introspectif, Soulho apparaît comme sur la pochette où il s’identifie au Christ, comme un certain 2Pac avec 7th Day Theory. Et là ce n’est pas pour mener une vendetta contre ses ennemis mais marcher sur un chemin de croix. Ab-Soul est habité par une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît. Evidemment, sa musique rap répond principalement à la règle des 3 lettres PMW, pour "pussy money weed" (comme l’a défini A$AP Rocky sur son premier effort solo), ce qu’on peut le constater avec "Hunnid Stax" avec le homie ScHoolboy Q (où l’on peut entendre la voix de Mac Miller et celle de Puff Daddy!), le vaporeux "Dub Sac" (accompagné d’une outro succulente) et "Twact" (feat Jinx & Short Dawg) qui ressemble de loin à une prod de DJ Mustard.
C’est en tendant un peu plus l’oreille qu’on se rend compte qu’Ab-Soul a vécu une période pénible à gérer, entre son succès et celui de ses pairs, et la disparition de son amie, la chanteuse Alori Joh qui était très présente sur#controlsystem. Sur l’intimiste "Closure" avec sa prod en slow-motion (titre sur lequel Jhene Aiko fait une discrète apparition) et le très bon "Stigmata" (avec monsieur Action Bronson sur un gros beat signé Rahki), on comprend que le rappeur aux lèvres noires est quelqu’un se torturé psychologiquement. Sur "World Runners" (qui invite Lupe Fiasco et Nikki Jean), il semble même perdu. À force de vivre une vie qui semble être un rêve, il s’interroge s’il ne rêve pas d’unefastlife. A l’inverse de "Ride Slow", les événements se déroulent au ralenti. Danny Brown et Mac Miller (présent sous ses 2 alter-ego Delusional Thomas et Larry Fisherman à la prod) assistent Ab Soul sur ce morceau à l’ambiance à peine croyable, en oubliant de créditer Earl Sweatshirt au passage.
Contrairement à ce qui était annoncé, l’heure n’est pas trop à la fête, plutôt celle d’une grande réunion post-dépression entre potes, avec les autres Black Hippy notamment et les producteurs de la maison (Skye Hught, Sounwave, Tae Beast…). Comme avec K.Dot et Q, Soul ne fait pas attention à longueur des morceaux et aime bien en jumeler comme sur "Dub Sac" et "Just Have Fun" qui s’achève par le gospel "These Days". D’ailleurs le trippant "Just Have Fun", avec "Twact", est l’un des rares morceaux respirant le bien-être, accompagné d’un air rafraîchissant. Et en parlant de Kendrick Lamar, il se réserve un interlude à lui tout seul avec son flow énervé, sur une composition classieuse et jazzy de Terrace Martin, qui se permet de son côté un solo de saxo s’il-vous-plaît. Son message est clair: "ouais j’ai gagné un Grammy Award et j’ai toujours la dalle les mecs, je vous vois!".
Comparé à son brillant opus précédent #controlsystem, These Days apparaît comme une légère déception. Les beats manquent dans l’ensemble de relief, avec cette impression (volontaire) de traverser une phase dépressionnaire sous Xanax et Fluoxetine avalés avec une gorgée d’alcool dans un aquarium de fumée. Les couplets de Lupe et Rick Ross (sur "Nevermind") apportent peu de valeur ajoutée mais l’auditeur n’est jamais à l’abri d’éclairs de génie d’Ab-Soul, comme sur "Tree of Life" quand il lance "Suck my third leg while I branch out" et d’achever son dernier couplet par mots avec le son ‘soul’ (absoulument). Pas le grand album attendu, mais qui annonce toutefois des jours meilleurs. Pendant ce temps on continue d’assister l’impressionnante montée en puissance de TDE.
Je retiendrai particulièrement "Tree of Life", "Stigmata", "Just Have Fun", "Dub Sac" et "Ride Slow".
Vous n'êtes pas autorisé à poster des commentaires
Se connecter | S'inscrire