If There’s a Hell below (Computer Ugly/Fat Beats), sixième opus du rappeur/producteur Black Milk, est à quelques détails près la suite logique du chef d’oeuvre No Poison, No Paradise paru l’an dernier. Ces deux albums sont forcément reliés, par cette thématique du bien et du mal, le péché et la vertu, par le graphisme de la pochette aussi, et tant au niveau musical, entre tendances électronica eighties et psyché-rock prononcées mêlées à des instrumentations live et soulful.
« Everything Was » nous met immédiatement dans cette ambiance musicale plantant le décor des rues de Detroit par ce mélange ingénieux de rock obscur et notes électroniques vintage. La belle voix de Mel s’accorde aussi harmonieusement à l’ensemble. Black Milk n’a plus qu’à déballer son flow qu’il a bien musclé depuis ses débuts. Etrangement, If There’s a Hell below n’est pas si sombre finalement comparé à son prédécesseur, Black Milk l’a voulu ainsi. On est passé de la noirceur vers des nuances de gris, de températures négatives à des éclaircies à travers les nuages. À partir de là, « What It’s Worth » peut se voir comme un morceau laid-back à écouter avec les derniers rayons de soleil d’une froide journée automnale, tandis que « Grey for Summer » serait une allégorie d’un été pluvieux et frais d’où plane de la mélancolie. Drôle de climat à Detroit n’est-ce pas.
Les instants où Black Milk démontre le top de créativité, ce sont sur la succession de titres « Hell Below« / »Detroit’s New Dance Show« / »Story and Her« . Avec l’instrumental « Hell Below« , d’où il dompte les flammes à travers les instrumentations live (contrebasse, trompette,…) avec un rythme rapide et régulier de batterie pour en tirer une douce chaleur soulful. Puis l’ambiance dark disco de « Detroit’s New Dance Show« , zone de danger qui invite à quelques pas de danse avec le diable. Et le storytelling « Story and Her » qui démarre agréablement avant que la drogue finisse par gâcher le réveil. Le mal est partout, il est séduisant, il peut survenir à n’importe quel moment. Sur le plan musical, c’est un mal pour un bien dira-t-on. Ensuite, retour à ses gros éléments de caisse caractéristiques sur le très lourd « All Migthy » pour en revenir à son plus habituel de Black Milk, avec pour finir une rythmique électro-hop de son cru.
Comme sur No Poison, No Paradise, les invités sont peu nombreux et de marque. Le californien Blu pose sur le sample de rock psychédélique de « Leave the Bones Behind« , Bun B en personne a droit à un beat à sa hauteur sur le bien nommé « Gold Piece » et le dinosaure Pete Rock rappe sur « Quarter Water« , PR, un des modèles de Dilla, qui fut le modèle de Black Milk. Presque deux générations les séparent, leur collaboration est symbolique. « Scum » est annonciateur du retour du trio infernal Random Axe, avec en premier le passage de Black Milk sur un sample de rythme tribal, puis un instru rap pour Sean Price (« I don’t dislike you/I dislike the dude who said I dislike you ») et enfin Guilty Simpson avec son flow nonchalant commençant par « Once again it’s Mr I’m-not-your-friend »avant de commettre un assassinat verbal en règle, sur un 3e instru typé electro que Dilla aurait jalousé.
If There’s a Hell below n’est pas meilleur que son précédent, de mon point de vue. Néanmoins ce que l’on constate avec le recul c’est l’évolution remarquable de Black Milk depuis Popular Demand. Il se réinvente à chaque album au point de devenir le meilleur producteur actuel de Detroit.
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