Et de dix pour Common. Et comme il y a vingt ans avec son classique Resurrection, cet opus est produit par No I.D.. Mais les temps ont bien changé depuis l’âge d’or du hip-hop, et le rappeur/acteur de Chicago a toujours su s’adapter à toutes les périodes. Il y a eu la mouvance Soulquarian avec les chanteurs de Nusoul, J Dilla et les Roots, l’ère G.O.O.D. Music avec les productions de Kanye West, élève de No I.D. (simple rappel), et les Neptunes.
Depuis 2011, Common a renoué sa collaboration avec son producteur historique pour donner le somptueux The Dreamer/The Believer et il l’a consolidée en signant sur son label ARTium (le rappeur a quitté GOOD Music), publié par Def Jam, ce qui va certainement augmenter son espérance dans le rap game. Sauf qu’aujourd’hui, l’espoir n’est plus au beau fixe à Chi-city. Depuis quelques années déjà la violence a regagné les rues et de dangereux jeunes loups débarquent au micro avec leur drill music. Notre vétéran ne peut nier que sa métropole dont il reste le meilleur porte-parole traverse une mauvaise période, d’où le titre de l’album Nobody’s Smiling.
Common fait le pari de se reposer sur la jeune génération et rajeunit sa musique par la même occasion.
La voix de James Fauntleroy du groupe Cocaine 80s ouvre le titre « The Neighborhood » avant que démarre un sample retravaillé de « Other Side of Town » de Curtis Mayfield. Common nous donne son regard sur la situation actuelle et laisse ensuite la parole à Lil Herb, un des jeunes loups dont je parlais plus haut, qui évoque la montée de la violence avec des rimes qui relatent l’hostilité qui règne dans les quartiers. Le rappeur retranscrit bien la mentalité actuelle dans les ghettos de Chi-Town sur « Hustle Harder » et « No Fear« , qui s’achève par des riffs de guitare psyché qu’on a pu entendre sur les derniers albums de Kanye West. Common fait le pari de se reposer sur la jeune génération, comme Lil Herb donc, la chanteuse r&b Jhene Aiko (« Blak Majik« ), Elijah Blake sur « Real » (un titre aux allures 80s R&B), le californien Vince Staples (le single « Kingdom« ), Dreezy, ou encore Big Sean, ce qui ne se révèle pas un excellent choix vu que son couplet est plus vide lyricalement que son refrain, efficace au demeurant. Mais qu’on le veuille ou non, il est représentatif de la relève qui privilégie le swag au message. On retrouve sinon l’artiste spoken-word Malik Yusef sur « Nobody’s Smiling« .
Comme avec Universal Mind Control, qui fut très décrié à sa sortie, Comm’ et No I.D. ont pris des risques à la réalisation, avec une approche très moderne, voire inédite des beats. Il n’y a rien à redire sur le concept de l’album, qui rajeunit sa musique par la même occasion, mais la fraîcheur des prods et leur aspect épuré génèrent un creux au beau milieu de l’album, de « No Fear » à « Nobody’s Smiling« , qui se limitent à une nappe continue de synthés très graves, quelques touches d’électro et une rythmique en 808 simpliste. Le gros point noir de Nobody’s Smilingprovient des refrains, la plupart étant composés des voix samples répétés (« No Fear« , la voix de Notorious BIG sur « Speak My Piece« , « Nobody’s Smiling« , celui de Big Sean si vous ne le kiffez pas…). Le banger « Speak My Piece » d’ailleurs semble interminable. Ça passe ou ça casse, comme pour Yeezus avec lequel la comparaison est possible, et quand on est habitué au style deCommon depuis tant d’années, rien d’étonnant à ce que ses partisans trouvent cela mauvais. De l’autre côté, le concept tient très bien la route.
Les morceaux qui peuvent unanimement trouver grâce à nos oreilles sont le single « Kingdom« , qui puise sa puissance dans son sample gospel. Là aussi on assiste à un passage de témoin entre « l’ancienne » et la nouvelle génération de rappeur avec Vince Staples. Puis évidemment « Rewind That« , quand Common se rappelle de sa rencontre avec J Dilla, très passionnant pour qui ça intéresse. Résultat : on est très partagé pour ce qui est de Nobody’s Smiling dans sa version ‘normale’. Common ne sourit plus, nous aussi on tire la tronche…
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