Ce compte a été suspendu
 
RAP LORD

Nas "Street’s Disciple" @@@@1/2

  • Publié par #####
  • mar 21 janv. 14 - 21:23
  • Genre: music

Comme tout le monde, je me demandais si un jour Nas allait être capable de concevoir un nouveau classique de la trempe de IllMatic. Jusque là, il n’y est pas arrivé jusqu’au bout. It Was Written fut un grand cru millésimé vivement recommandé qui a permis à Nas d’acquérir un succès commercial et une exposition mondiale, les deux albums d’après on laisse tomber,… ensuite,StillMatic, son album du renouveau, s’en est le plus possible approché, et God’s Son était assez particulier et inégal même si c’était un sacré gros disque aussi. Il faut dire que le decès de la mère de Nas y était peut-être pour quelque chose. Du coup, je me suis fais une raison. Après tout, il faut continuer d’évoluer au lieu de retenter sa chance à créer une oeuvre semblable à son premier coup de maître.

Je me souviens encore comme si c’était hier de ce 2 Décembre 2004 où je me suis procuré ce double-album Street’s Disciple à la Fnac Bellecour de Lyon, avec l’intime impression d’être comblé. L’excitation avait commencer à me submerger lorsque je lisais dans les revues de presse que son septième disque était un classique avant l’heure. En aucun cas j’ai eu l’idée de le télécharger au préalable, je me suis senti comme moralement poussé par son achat. Je me rappelle l’avoir écouté tard le soir, jusqu’à une heure du matin, dans ces eaux-là. Et le lendemain après-midi, la chronique était prête à la parution sur Rap2K, tellement j’ai été subjugué par ce fabuleux album.

En lisant scrupuleusement le livret – la veille de la publication de l’article donc -, j’ai regardé les crédits et en particulier les samples utilisés. Une caverne d’Ali Baba dans la black music : Barry White, Isaac Hayes, James Brown, Run DMC, George Clinton, Earth Wind & Fire, Marvin Gaye… La production de l’album se partage principalement entre Chucky Thompson, l’ami L.E.S. et Salaam Remi. Pour le reste, en ce qui concerne l’inspiration de Nas, fervant élève de la rue et du Hip Hop, il ne faut pas aller chercher loin puisqu’il a étudié à l’école des Rakim, EPMD et les membres du Juice Crew, label Cold Chillin’, etc… ça tout le monde le sait. En fait, ce n’est pas Nas, ni Nasty Nas, ni Nastradamus, ni Nas Escobar, ni le God’s Son qui rappe, c’est Nasir Jones au microphone. Rien que de penser ça, je me sentais pressé de l’écouter pour en donner mes sentiments à chaud, qui furent décrites de manière subjective dans les lignes les suivantes.

Disque 1: Une introduction perpétua cet intense suspens jusqu’à ce que "Message To The Feds, Sincerely, We The People" démarre. Et là, déjà, je me disais que Street’s Disciple va dépasser tout ce que j’ai pu imaginer. La prestation de Nas est autant époustouflante que l’instrumental en deux parties qui l’accompagne. Mon enthousiasme se poursuivait avec "Nazareth Savage", une oreille sur le beat et l’autre sur les lyrics. Inutile d’en discuter longuement, ses textes demeurent plus éloquents que je ne saurai les décrire. J’avais bloqé ensuite sur un morceau complètement dingue : "American Way". N’ayez franchement pas peur du featuring de sa femme Kelis d’abord, la production de Q Tip reprend un sample de George Clinton (celui du crapuleux "Atomic Dog"), ce qui rend la chanson bondissante, presque dansante.

Ensuite ce sont deux tueries qui prennent le relai, à commencer par le très grand "Disciple", une surprenante réinterprétation de "Road To The Riches" de Kool G Rap. Quel moment jouissif ! La seconde tuerie, c’est "These Are Our Heroes", produite par Buckwild, que s’avère en fait une critique assez réaliste de l’influence du Hip Hop sur d’autres domaines indirectement liés au rap (sport, cinéma…). Nas y fait entre autre le tri entre les personnalités afro-américaines qu’il préfère ou pas en fonction de leurs agissements et de leur attitude. Enchaînement sur deux autres morceaux atypiques qui doivent s’écouter à la suite de par l’évolution de la narration, "Sekou Story" et "Live Now", avec en featuring Scarlett… qui n’est qu’en réalisé Nas avec une voix féminisée ! Pas de craintes à avoir non plus, l’illusion est parfaite. La fin du disque se cantonne dans des morceaux plus calmes, des mid-tempos assortis par de superbes samples. Les trois chansons dont il est question, dont "The Rest Of My Life" et "Reason" qui clôture en beauté ce premier disque, sont produites par L.E.S. Je retiens par-dessous tout "Just A Moment", avec la révélation Quan qui m’a énormément ému grâce à son incroyable talent de lyriciste.

J’avais avoué sans embarras que rien que ce disque m’avait suffit à faire revigorer en moins le passionné de Hip Hop que je suis – et je le pense toujours à chaque écoute -, et qu’il surclassait presque toutes les sorties rap de l’année 2004. Pour faire un point, on retrouve sur cette galette divers thèmes socio-politiques et culturels suivant l’opinion de Nas. Mais l’exercice est risqué, il fallait absolument que le 2e disque soit du même acabit, si ce n’est meilleur, pas pour juste histoire de doubler la durée de vie de Street’s Disciple. Que nenni, il est aussi bon… Plus introspectif aussi, car Nas y parle ouvertement de sa vie personnelle dessus. Bon certes, c’est un peu relou de devoir se lever changer de CD dans la chaine hi-fi à chaque fois, mais pour 1h30 de plaisir, on ne va pas chipoter sur ce détail.

Disque 2: D’entrée, je fus ébouriffé par "Suicide Bounce" feat Busta Rhymes (produite par Nas himself!), énormissime et surpuissante. La track commence par créer un sentiment de tension avant que les violons puis le beat entrent en action, et pis Busta au refrain et au pont est en super forme. "Street’s Disciple" se passe de commentaires, je ne savais pas quoi en dire en fait. Le nom de "U.B.R. (Unauthorized Biography of Rakim" m’a interpellé : il s’agit d’une rétrospective discographique de la carrière de Rakim, son maître lyrical, qui contient pas mal d’anecdotes intéressantes. Et le prochain serait KRS-One… On peut encore attendre. Un autre temps fort de Street’s Disciple, "Virgo" avec Doug E Fresh dans son rôle de human beat-box et Ludacris, dont la présence aux côtés de Nas reflète une reconnaissance de ses véritables talents de MC.

Les chansons rap suivantes parlent de femmes, et avec style. L.E.S. est de nouveau sollicité à la prod, sur "Remember The Times" notamment, où Nas évoque ses nombreuses conquêtes. Pas les meilleures titres, mais encore une fois, c’est du lourd. "Getting Married" est une sorte de métaphore pour comparer l’amour qu’à Nas pour l’art qu’il excelle, le Hip Hop, pour le meilleur et pour le pire (pourrait-on dire ironiquement). Le chanteur Maxwell vient apporter une touche soulful et avec classe sur le dansant "No One Else In The Room", agréable en soirée grâce à cette rythmique similaire à "Wanna Be Startin’ Somethin’" de Michael Jackson. Mais le must du must, c’est bien évidemment "Bridgin The Gap" avec son père Olu Dara, où Nas va chercher encore plus loin dans ses origines musicales en injectant un blues des plus efficace. Ironie et easy listening sont les paradoxes de "War", qui traite des mésententes conjuguales que Nas a vécu avec la sulfureuse Carmen. On finit avec sa chanson dédiée à une des autres femmes de sa vie, sa fille Destiny Jones sur "Me & You", très touchant.

Bonus: des bonnes surprises et encore des surprises avec "You Know My Style" qui sample allégrement les Run DMC. On n’attendait pas un tel morceau ! La seconde est "Thief’s Theme", une bombe qui augurait cet été 2004 le retour de Nas dans une forme impeccable.

Le disciple de la rue m’avait pleinement comblé, voire dépassé toutes mes espérances. C’est un disque extraordinaire avec lequel Nas m’a bluffé totalement autant sur l’aspect créatif que artistique. Nas avait réussi là où Jay-Z avait échoué avec Blueprint 2: The Gift & The Curse : Street’s Disciple pourrait très bien se classer entre Life After Death de Notorious BIG, All Eyez On Me de 2Pac, ou plus récemment à côté de Speakerboxxx/The Love Below des Outkast dans le classement des meilleurs double-albums de hip-hop jamais sortis. Chapeau bas Nasir Jones… Il avait grandement remonté dans mon estime. C’est à cet instant précis que j’avais soumis par écrit l’idée, ou le fantasme (je préfère ce terme) d’une improbable collaboration avec Jay-Z pour aller plus loin, un événement invraisemblable qui s’est réalisé en 2006 quand Nas a signé chez Def Jam sous la présidence de Shawn Carter. J’avais affirmé pour finir que Street’s Discipleétait, selon moi, la meilleure sortie de l’année 2004 toutes catégories confondues et de surcroit, je confirmais personnellement l’authentification de ce nouveau classique.

Comme quoi, les choses arrivent souvent quand on s’y attend le moins, quand l’espoir est au plus bas. Nas m’a infligé une mémorable leçon de Hip Hop qui m’a laissé des souvenirs impérissables, que je redécouvre à chaque nouvelle écoute.

Commentaires (Facebook)
Commentaires
  • Aucun commentaire visible

Vous n'êtes pas autorisé à poster des commentaires
Se connecter | S'inscrire

Top amis

Nouveaux articles