Shady Records fête ses quinze ans, voilà ce qu’on peut lire partout pour justifier l’existence même de cet album-compilation-best of du label d’Eminem. Cela faisait huit ans que les têtes de son label n’avaient pas été rassemblées, depuis sa mixtape The Re-Up. Shady XV permet de faire un état des lieux actuel et de faire le bilan, calmement, en se remémorant chaque instant (…).
Le premier CD est donc une compilation de titres des forces actuelles en présence. C’est sur son contenu que cette compilation a été notée. On commence naturellement par Eminem. Il ouvre le bal avec « Shady XV« , un long monologue off-beat et foufou (les rimes sur Rihanna sont croustillantes) déballé sur un instru un poil amusant à défaut d’être barbant. Heureusement qu’il finit le titre a capella. Ses nouveaux morceaux sont à l’image de sa musique ces dernières années : de la pop-rap. Le single « Guts Over Fear« , « Die Alone » et « Twisted » synthétisent l’orientation très populaire (au sens péjoratif du terme) qu’il a pris depuis Recovery, en mariant son rap avec du pop-rock et des refrains chantés par des artistes pop (ici Sia, Skylar Grey). C’est toujours très déroutant quand on se remémore sa grande époque jusqu’à Encore, son quatrième album. À ces chansons de masse, on préfère s’attarder sur les exercices de flow hallucinants sur « Vegas« , « Fine Line » et « Right For Me« . Quel performeur ! On sourit à chaque fois que l’on entend son verbe provocateur qui n’est plus qu’un gimmick. Et les beats, qu’il produit avec son acolyte Luis Resto, sont passables, rien d’excitant du tout.
On a droit à un morceau du duo qu’il forme avec Royce da 5’9, Bad Meets Evil (« Vegas« ), où Royce ne se distingue pas particulièrement. C’est là qu’on réalise à quel point leur EP Hell The Sequel est totalement sorti des esprits. Il ne retient pas non plus notre attention sur Detroit Vs Everybody (co-produit par Statik Selektah), sur lequel Danny Brown grille ses compères (ex-aequo avec Eminem). Dans le barillet, il y a deux balles à blanc, dont Trick Trick qui lâche deux-trois phrases à la fin et Big Sean qui est lamentable. Sans parler du refrain. On rêve d’un remix plus underground avec Black Milk, Elzhi, Guilty Simpson et d’autres encore. Les Slaughterhouse, qui nous avaient très déçus, se rattrapent avec « Psychopath Killer » (co-produit par Just Blaze et Boi-1da) et « Y’all Already Know » sur une prod de DJ Premier (qu’on a connu plus inspiré). Leur prochain album ne pourra pas être pire, bonne nouvelle non? Et le mi-Cherokee sudiste Yelawolf, dont l’album solo n’avait pas convaincu non plus, il a préféré un morceau bluesy passe-partout (« Down« ) pour Shady XV, plutôt que de balancer de la trunk muzik qui le caractérise mieux.
La (mauvaise) surprise de cette compilation, c’est le retour des D-12. Cela faisait depuis la disparition de Proof qu’on ne les avait pas entendu ensemble, ou ptet bien depuis D12 World. On est très content de voir que les membres se sont resoudés mais là aussi, l’instru de « Bane » fait terriblement défaut. C’est vite ennuyeux, vachement pas inspiré et l’autotune de Denaun Porter au refrain est peu digeste. Finalement les D-12 sans Proof ce n’est pas la panacée. Pas de 50 Cent, il a quitté Shady Records au début de l’année. Dans le fond, ça manque de Dr Dre, ne serait-ce qu’au mixing, il aurait pu élever le niveau des prods. On aimerait ne pas penser que ShadyXV est à l’image du label aujourd’hui.
Le CD2, le best-of, est dans l’ensemble bien représentatif de Shady Records. Ce n’est pas un ‘greatest hits’ d’Eminem, heureusement, seul suffit le grandiose « Lose Yourself« , qui a servi pour son film autobiographique 8 Mile. Une version démo inédite figure à la fin du disque. Le choix des meilleurs tubes de 50 Cent est judicieux (avec évidemment « In Da Club« ), on prend du plaisir à réécouter les D-12 avec « Purple Pills« , toujours aussi délirant, et la bombe « Fight Music« . Tous les artistes ont au moins un titre à lui sur ce CD. Personne n’a été oublié, pas même ceux pour lesquels rien n’a été fait ou presque, comme Stat Quo, Ca$his et Bobby Creekwater, tous les trois figurants sur le remix de « Cry Now » d’Obie Trice.
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